Guide pratique pour des achats numériques responsables
Les efforts d’adaptation pour s’engager dans la transition écologique et solidaire doivent, pour une raison d’exemplarité, s’appliquer au service public.
La fabrication des équipements informatiques concentre la grande majorité des impacts environnementaux et sociaux. Il est donc essentiel de s’emparer du sujet de l’achat numérique pour le rendre plus responsable.
La Direction interministérielle du numérique (DINUM) propose ainsi un guide contenant des fiches pratiques d’achat responsable et s’adressant en priorité aux acheteurs de l’État, mais également à tout agent public, acheteur du secteur privé ou citoyen. Il permet de trouver des ressources pour être acteur de ce changement.
Qu’est-ce que le numérique responsable ?
Le numérique responsable est une démarche d’amélioration continue qui vise à améliorer l’empreinte écologique et sociale du numérique. Mettre en place une démarche Numérique Responsable est une action positive sur de nombreux aspects :
- Réduire l’impact environnemental en encourageant l’écoconception, en évitant le renouvellement rapide des équipements, en allongeant leur durée de vie, en favorisant la réparabilité …
- Améliorer l’impact social en s’assurant lors de l’achat de l’éthique des acteurs concernés par la fabrication d’équipements.
- Levier d’économie financière: réaliser un achat responsable ne coute pas forcément plus cher. Par exemple en mutualisant les ressources informatiques.
- Levier d’innovation: acheter, concevoir ou utiliser un service numérique dans un cadre budgétaire contraint peut être source d’innovation : comment « faire plus, quantitativement et mieux, qualitativement avec moins » ? Par exemple, en évitant toute sur-spécification des matériels et en visant une adaptation la plus optimale possible à l’utilisation qui en sera faite. Avons-nous réellement besoin d’un processeur puissant sur un ordinateur à usage bureautique ?
- Levier d’engagement : une démarche Numérique Responsable fonctionne en impliquant voire en engageant ses collaborateurs. Cela peut être une réponse à la quête de sens des collaborateurs qui sont avant tout des citoyens.
Qu’est-ce que l’analyse de cycle de vie ?
L’analyse du cycle de vie (ACV) est l’outil le plus abouti en matière d’évaluation globale et multicritère des impacts environnementaux. Cette méthode normalisée (ISO 14040) permet de mesurer les effets quantifiables de produits ou de services sur l’environnement. Elle recense et quantifie, tout au long de la vie des produits, les flux physiques de matière et d’énergie associés aux activités humaines.
Quelles sont les alternatives à l’achat du neuf ?
Deux alternatives sont suggérées par le guide pratique pour des achats numériques responsables : les équipements reconditionnés et la location d’équipements.
A l’échelle du cycle de vie d’un matériel numérique, la fabrication concentre la majorité des impacts environnementaux. Acquérir un équipement reconditionné plutôt qu’un matériel neuf est un geste particulièrement efficace pour réduire les impacts environnementaux, tout en obtenant un impact social positif : le reconditionnement crée de l’emploi, souvent pour l’insertion des publics précaires.
La location est une alternative à l’achat des équipements numériques. Cette pratique permet à l’organisation d’ajuster son parc au besoin de chaque utilisateur et de faire face à des urgences ou à des besoins ponctuels. Cette approche est un des axes forts de l’économie circulaire : « l’économie de la fonctionnalité » c’est à dire acheter l’usage plutôt que le bien. La location est bénéfique pour l’environnement si la durée totale de location est supérieure à la durée totale d’utilisation en propre.
Comment réussir la gestion de la fin de vie des équipements ?
La réglementation relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) donne aux producteurs (professionnels qui réalisent la première mise sur le marché national) et distributeurs des responsabilités différentes, selon que le DEEE est issu d’un équipement classé dans la catégorie des équipements ménagers ou professionnels, selon l’Article R543-173 du Code de l’environnement.
Par exemple, concernant les obligations relatives aux DEEE ménagers, un distributeur doit reprendre gratuitement les DEEE que leur rapportent leurs clients, dans la limite des quantités d’équipements neufs vendus.
A noter que la distinction entre DEEE ménager ou professionnel ne tient pas à la qualité de l’usager de l’EEE (ménages ou professionnels) mais à la destination de cet équipement. Un ordinateur portable est considéré comme générateur de DEEE ménager, car son usage relève tant des ménages que des professionnels. A l’inverse les serveurs génèrent des DEEE professionnels.
Les DEEE collectés par la filière agréée sont traités avec un haut niveau de protection de l’environnement. La filière française de collecte et de traitement des DEEE, adossée notamment aux éco-organismes, permet de gérer efficacement environ 800 000 tonnes par an de DEEE (données 2018).
Un propriétaire peut transmettre son produit, sous-réserve des règles de cession ou de revente de matériels en vigueur au sein de sa structure, en passant par une structure de réemploi ou de réutilisation du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), ou par une structure de réemploi du secteur de l’économie classique, appelée structure de l’occasion. Il peut céder son bien à titre gracieux (notamment en faveur des acteurs de l’ESS) ou le revendre aux professionnels du milieu ordinaire.
Le réemploi peut également être mis à profit au sein même de la structure propriétaire du bien. C’est ainsi par exemple que des communes opèrent un redéploiement des ordinateurs des agents dans leurs écoles.
Que prévoit la loi ?
Un corpus réglementaire est entré en vigueur depuis le premier trimestre 2020. Il s’agit de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire dite loi AGEC, ainsi que la circulaire du Premier ministre du 25 février 2020 relative aux services publics écoresponsables, qui met en avant 20 mesures identifiées comme devant être mises en œuvre dans de courts délais par les services de l’État et de ses établissements publics.
Deux articles portent des dispositions particulièrement attendues en matière d’achats responsables :
- L’article 58 introduit une obligation nouvelle pour les acheteurs de l’État et des collectivités territoriales d’acquérir des biens issus du réemploi, de la réutilisation ou contenant des matières recyclées selon des proportions fixées par type de produits. Le décret du 9 mars 2021 fixe les règles. Il établit la liste des catégories de produits concernés par cette obligation et fixe des seuils minimaux d’acquisition de produits issus de ces filières (minimum 20% des achats annuels HT de la catégorie de produits concernés).
- L’article 16 prévoit l’affichage à partir du 1er janvier 2021 d’un indice de réparabilité sur certains produits électriques et électroniques de consommation courante. Une note sur 10 devra informer le consommateur sur le caractère plus ou moins réparable des produits et éléments concernés. Concernant les produits numériques, l’indice de réparabilité est défini pour les ordinateurs et les smartphones. Au 1er janvier 2024, un indice de durabilité remplacera ou complétera l’indice de réparabilité. Ce nouvel indice prendra en compte des critères tels que la fiabilité et la robustesse.
Les fiches pratiques du guide de l’Etat
Le guide pratique pour des achats numériques responsables propose des fiches par segment d’achat :
- Matériels bureautiques (ordinateurs fixes, portables, écrans, tablettes),
- Solutions d’impression,
- Réseaux et Télécoms,
- Infrastructure et Cloud,
- Prestations intellectuelles,
- Logiciels.
On y retrouve des conseils pratiques permettant à tout acheteur de disposer de la réglementation existante, des échanges préalables avec les opérateurs économiques, des exemples de clauses utilisées à adapter en fonction de chaque projet d’achat et des exemples d’annexe de performance en matière de développement durable à adapter selon les besoins.
Par exemple, concernant l’acquisition de matériels, le Règlement de la Consultation pourrait intégrer un critère de jugement des offres relatif à la performance en matière de protection de l’environnement et le dossier de consultation prévoir ainsi des questions associées à ce critère dans le cadre de réponse.