Faut-il conserver l’original papier si l’on dispose d’une copie numérique ?
Les collectivités sont incitées par l’Etat à numériser leurs échanges dans plusieurs domaines : Contrôle de légalité, Finances, Marchés publics et au 01/01/2022 l’Urbanisme (Démat ADS). Avec l’accroissement de la numérisation des documents, que devient le document papier ?
L’augmentation des recours citoyens devant les tribunaux oblige les collectivités à être en mesure de répondre à toute procédure. Devant un tribunal, en cas de conflit, les parties doivent être en mesure de fournir des documents si possible originaux.
En droit civil, un original est un acte, un document, un exemplaire revêtu de la signature des parties. L’article 1379 du code civil indique : « La copie fiable a la même force probante que l’original. La fiabilité est laissée à l’appréciation du juge.». Un original papier dispose d’une ou plusieurs signatures manuscrites, un original électronique doit donc disposer d’une ou plusieurs signatures électroniques.
En résulte de nombreuses questions, dont au moins 2 nous sont fréquemment posées et pour lesquelles nous vous proposons d’apporter réponse :
- Si une collectivité reçoit un original numérique et qu’il est imprimé sur un support papier, cet exemplaire porte-t-il la même valeur juridique ?
- Si une collectivité dispose d’un original papier et de sa copie numérique, doit-elle conserver l’original ou le détruire ?
L’impression d’un original numérique conserve-t-elle la même valeur probatoire ?
Ici la réponse est relativement simple : NON, car le caractère de preuve lié au document électronique relève d’un ensemble de mécanismes de traçabilité (trace de l’envoi via mail, traces de téléchargement et surtout signature électronique incluse dans le document numérique). L’impression du document fait disparaitre cette traçabilité. Le document imprimé a le statut de duplicata et ne possède donc pas de valeur juridique.
La destruction d’un original papier est-elle possible si l’on possède une copie numérique ?
La réponse est OUI. En effet, le Décret n° 2016-1673 du 5 décembre 2016 indique que la copie fiable d’un document à la même valeur juridique qu’un original. Mais ATTENTION à respecter le caractère « fiable » de la copie !
La copie fiable a la même force probatoire que l’original, cependant ce caractère est toujours laissé à l’appréciation du juge. Est présumée fiable jusqu’à preuve du contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu du document, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par des procédés conformes au décret 2016-1673. Si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée.
A la lecture du décret, on relève 7 conditions obligatoires pour avoir une copie fiable :
- Article 2 – La copie doit comprendre des métadonnées contextuelles.
- Article 2 – Le procédé de numérisation doit être testé régulièrement (être conforme à la norme NF Z 42 026 est un vrai gage de confiance devant un tribunal).
- Article 3 – L’intégrité de la copie doit être assurée au moyen d’un horodatage, ou d’une signature, ou d’un cachet électronique qualifiés au sens du règlement eIDAS.
- Article 4 – Les conditions de conservation de la copie électronique doivent garantir toute altération dans le temps de la forme ou du contenu du document.
- Article 5 – La traçabilité de l’ensemble du processus doit être assurée pendant toute la durée de conservation de la copie (conservation des empreintes et des opérations de migration qui surviendront dans le temps, au vu de la constante évolution des techniques informatiques : PDF, système de stockage, version des logiciels d’archivage…). Un outil de type SAE (Système d’Archivage Electronique) conforme à la norme NZ Z42-013 peut garantir ce point particulier.
- Article 6 – La sécurité du contrôle d’accès aux dispositifs de numérisation et de conservation doit être assurée.
- Article 7 – Une documentation complète du processus doit être élaborée.
La mise en place d’une GED dans la collectivité est un premier pas, mais ne garantit pas l’application de ces 7 conditions.
Et dans la pratique, est-ce réalisable ?
On le voit à la lecture des conditions ci-dessus, la suppression d’un original papier est réalisable, mais la complexité des outils à mettre en place et les normes à respecter sont très dissuasives pour les plus petites collectivités.
Pour réussir la mise en place d’un processus permettant l’élimination des documents papiers, tout en conservant la valeur juridique, il est nécessaire qu’une collectivité dispose des compétences (internes et/ou externes) dans les 3 domaines suivants : juridiques, archivistiques et informatiques.
Les grandes collectivités (Régions, Départements, Métropoles, grandes Villes et EPCI) peuvent mener ce type de projets.
Pour les plus petites collectivités qui souhaitent aller plus loin dans la dématérialisation et supprimer les originaux papiers, l’utilisation d’un SAE pour parfaire leur processus d’archivage peut se concevoir de 2 manières :
- Trouver une structure de mutualisation (Région, Département, CDG) qui puisse leur proposer ce service par convention ;
- Passer un appel d’offre pour externaliser ce type de service. Dans ce cas-là, il faudra être tout particulièrement attentif à la clause de réversibilité qui sera imposée.